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La dernière nuit du Raïs
" La vie est tellement complexe. Et tellement incongrue. Il y a à peine quelques mois, toute honte bue, l'Occident tapissait mon chemin de velours, [...]. Et aujourd'hui, on me traque sur mon propre fief comme un vulgaire gibier." p.154La dernière nuit du Raïs
Auteur: Yasmina Khadra
Catégorie(s): ContemporainAge: A partir de 14 ansParution: Éditions Julliard / 2015Nbre de pages: 216La jaquette de ce livre est plutôt discrète pour un objet qui ouvre grand les portes sur un monde révolté, armé et vengeur. Les matchs de la rentrée littéraire de Priceminister m'ont permis de lire le nouveau roman de Yasmina Khadra!
Quatrième de couverture:
"« Longtemps j'ai cru incarner une nation et mettre les puissants de ce monde à genoux. J'étais la légende faite homme. Les idoles et les poètes me mangeaient dans la main. Aujourd'hui, je n'ai à léguer à mes héritiers que ce livre qui relate les dernières heures de ma fabuleuse existence.
Lequel, du visionnaire tyrannique ou du Bédouin indomptable, l'Histoire retiendra-t-elle ? Pour moi, la question ne se pose même pas puisque l'on n'est que ce que les autres voudraient que l'on soit. »
Avec cette plongée vertigineuse dans la tête d'un tyran sanguinaire et mégalomane, Yasmina Khadra dresse le portrait universel de tous les dictateurs déchus et dévoile les ressorts les plus secrets de la barbarie humaine."Un peu plus...
Le Raïs est un homme qui abuse de son pouvoir sur la Libye, sans qu'aucune époque ne soit mentionnée. Mouammar Khadafi est arrivé au pouvoir en un coup d'état et le peuple finit par se révolter. Ce haut personnage se cache alors avec ses ministres et lutte pour la survie de son pays. On apprend alors par le point de vue de cet homme qu'il abuse des femmes, qu'il est très excessif, impulsif même, et qu'il a de régulières consommations d'héroïne, mais tout ça ne fait partie que de sa surface, de son image.
Susceptible aux observations de son entourage, c'est d'abord un homme avec un égo surdimensionné et un orgueil bien trop grand pour lui seul. Il a été le commanditaire de beaucoup de meurtres, des Libyens notamment sont morts pour avoir opposé leur avis au Chef. Cruel, insipide, dangereux, les lecteurs trouveront seuls les adjectifs qui leur viendront en tête face à la personnalité de cet homme.
Bien qu'il paraît garder le contrôle, le Raïs commence à sombrer, il est obligé de fuir sa place de tyran. L'allusion à Al-Qaïda et aux djihadistes nous permet de savoir que le pays connaît alors plus qu'une guerre civile. Les habitants, que l'on croisera à travers les caporaux et soldats sous les ordres du tyran, sont nombreux à vouloir du changement. La colère monte sans que nous ayons besoin d'assister tout de suite à des scènes dramatiques, mais ce n'est que partie remise...
Et les personnages?
Tout tourne autour du Raïs. Le "je" et la "Voix" ne font qu'un, et tout commence là où l'histoire de cet homme se termine. Mouammar Khadafi se prend pour le messager de Dieu et obéit aux ordres qu'Il lui donne. Une mystérieuse voix donc lui dicte le chemin pour arriver aux commandes de la Libye, mais le problème, c'est que si le pays va mal, le Raïs ne peut pas utiliser la Voix comme alibi...
Ma note: 7/10.
J'ai eu l'impression de toucher des yeux une partie de l'Histoire, intime, personnelle et très réaliste. Nous sommes quelques fois noyés sous un vocabulaire étranger (apparatchiks, vizir, bédouin, burnous, samorar, sloughi,...) ou militaire (porte-étendard, estafette, intronisation) mais l'auteur sait tenir en haleine son lecteur pour qu'on ne lâche pas prise.
L'utilisation de l'énumération, par exemple: elle est divinement maîtrisée par Yasmina Khadra, et ça peut ne rien représenter pour certains, mais dans un texte au sujet sensible, le style compte pour ne pas qu'on finisse par s'ennuyer devant, ou pire, rester indemne! L'auteur sait se servir sans le moindre doute de l'écriture pour atteindre son lecteur, toutefois, je ne me suis sentie proche d'aucun personnage.
Le Raïs est peint, c'est un homme cruel, égocentrique, tourmenté également, et qui a bien des difficultés à percevoir le monde tel qu'il est. Mais peut-être est-ce là que l'auteur veut en venir: y a-t-il une image du monde fausse et une autre correcte?
Bonne lecture!
Roman lu dans le cadre des #MRL15
Tags : Libye, rébellion, coup d'état, fuite, Islam, dictateur, Raïs, guerre, militaire, Editions Julliard
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